mardi 20 juin 2017

Juin, mois maudit

Le mois de juin promettait de nous en faire baver. Trois mois non-stop au pire moment de l'année:  avec la cohorte de fofolisme typique des dernières semaines. Même les élèves calmes, à cette période, deviennent bizarres. L'un décide, tel le kangourou du bush, de bondir par-dessus les 15 marches d'escalier qui restent à descendre, l'autre se met à miauler en classe. Pas plus tard qu'aujourd'hui, Corentin vrombissait en plein subjonctif: "Vrrrrrrrrrrrr!"

Les récrés deviennent sauvages: "Ta mère la pute" fuse et Louis de Montbazon crache au visage de ses petits camarades avant de  mordre le bras du pauvre Mounir qui passait par là. Louis est en CM2 et entre l'an prochain dans un collège privé très chic. Révolte angoissée contre sa condition trop lourde de fils de bonne famille? Peut-être, mais alors, pourquoi Tomy a-t-il besoin de qualifier de "putes" les mamans plutôt austères  de ses petits camarades, lui qui intégrera un collège du peuple peu porté sur l'élitisme social?
C'est l'effet fin d'année, décuplé en CM2. Un lâcher-prise qui surprend, parce qu'il attaque là où on l'attend le moins.

Pour pimenter encore l'affaire, il fait chaud.

Trente-trois degrés cet après-midi dans ma classe, sans un souffle d'air. De fait, nous avons bénéficié de l'installation de superbes fenêtres l'été passé, garanties isolantes. C'est gagné, elles ne ferment pas bien et ne peuvent pas non plus béer au-delà de 10 centimètres pour préserver la sécurité des élèves. Résultat: isolation nulle, aucun courant d'air possible et un soleil de plomb, pudiquement voilé par d'insignifiants rideaux. Naturellement, pas question de procéder au moindre embryon de réglage. Le job est fait, Madame Hidalgo a d'autres chats à fouetter que de s'occuper de maintenance. Les Jeux olympiques, c'est plus porteur, niveau com.

J'aimerais voir le salarié lambda oeuvrer dans ces conditions. Il se collerait aussi sec en grève et enverrait l'inspection du travail aux fesses de son salopard de patron.
Dans la mesure où l'enfant est au centre du système, où la réforme des rythmes scolaires a été imposée aux forceps et à prix d'or pour le bien-être chronobiologique des chers petits, on leur impose douze semaines de classe non-stop, dont la gerbe finale est une chaleur d'enfer. Quant aux profs, il va de soi qu'ils sont frais comme la rose du matin.
Va piloter le profil type "CM2 de fin d'année" dans cette touffeur, avec les spectacles de fin d'année à l'horizon et les livrets à te farcir, et je te promets qu'après, tu peux t'engager dans la Légion.

Mais c'est pas fini!
Juin 2017 nous gâte en nous assénant le pire cocktail:
fin d'année(= fofolisme) + canicule + RAMADAN.
Parce que, rosinette en pâte d'amande sur la charlotte aux framboises, c'est le Ramadan! Et oui! Les gosses de familles musulmanes pratiquantes dorment cinq heures parce que les nuits sont ultra courtes. Ahahah! Quel mois de juin facétieux décidément! Et comme en CM2, n'est-ce pas, on est un homme, un vrai, et bien on décide de ne pas manger le midi et de boire le moins possible. C'est ainsi que plusieurs de mes élèves sont réduits à l'état de tas informes, affalés sur leur table et incapables de faire quoi que ce soit. Quant aux filles, des mots louches prétextant des maux variés (ventre, tête ou rien) sont griffonnés dans les cahiers de correspondance pour excuser leurs absences de plus en plus fréquentes. Je soupçonne clairement une réquisition aux cuisines, mais que diable, au moins peuvent-elles dormir un peu entre deux séances d'épluchage. C'est toujours ça.

Pendant ce temps-là, indifférents à tout, mes chats sont vautrés comme des larves et ils ne foutent absolument rien.


Ce sont des sages.


5 commentaires:

  1. Dans nos bureaux (sans clim'), il faisait 36° C au plus fort des journées de canicule. Seuls ceux qui logeaient côté soleil avaient le droit à un ventilo, l'élite à la clim' et les sans-dents à rien ! Certains ont amené des bassines d'eau pour se rafraîchir les pieds pendant qu'ils pianotaient sur leur ordinateur ! Je vous fais grâce des trois douzaines d'infractions à la sécurité ! Comme chacun sait, l'eau, c'est conducteur ! Ceci dit, les ordinateurs ne conduisaient plus grand-chose rapport à la chaleur, wesh ! Ordinateur et chaleur ne font pas bon ménage.

    Je prévois un fiasco total de l'Intelligentsia Artificiella au prochain gros changement climatique.

    Ca fait un bout de temps que l'inspection du travail est aux abonnés absents. Quant à la grève, seuls les syndiqués peuvent se permettre ce genre de loisir, si les syndicats ne sont pas à la solde de l'employeur. Pour les autres, c'est la porte. Des motifs, s'il y en a pas, on les inventera, c'est très facile dans ce contexte de menace de chômage ; en général, on ne se la ramène pas parce qu'on a tous des responsabilités de gosses, d'études, de vie, tout simplement...bref, on nous tient par les couilles.

    Couilles ou pas, ce n'est pas une raison pour mordre ou cracher aux naseaux de l'autre ! Le môme a un sacré problème ! Ca mérite le lessivage de la cour avec une brosse à dent ! Non mais !

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    1. Ahahah! Je retiens la condamnation au lessivage de la cour à la brosse à dents! Et vos grands feignants de climatisés, tu préconises quoi pour eux?

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  2. du fond de l'atelier je n'osais imaginer "Germinal" en cravate attaché-case. Une idée à creuser.
    Bzzz... ;)

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    1. Je pense qu'entre les transports qui plantent leurs passagers en plein cagnard des heures entières, les bureaux surchauffés où on arrive en nage et en retard, les objectifs cinglés de la journée à atteindre, avec du matos qui claque de chaud et fait perdre une heure de boulot, alors que le chef trèpigne d'impatience dans son bureau bien climatisé, les transports qui replantent ses voyageurs au retour en plein cagnard toujours et les tâches quotidiennes à faire à la fin de ces journées brûlantes, avec la perspective, d'un lendemain encore plus chaud, oui on peut parler d'un "enfer" en attaché case...

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    2. @ Aaah Bourdon! Zola serait patron de start-up aujourd'hui! Ou animateur télé. Ou réincarné en Finkielkraut? Va-t'en savoir.
      @ J'imagine les transports par ces temps de canicule aigue...de quoi mettre quinze jours à s'en remettre. Tu as récupéré?

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